Photo : le Japon hanté de Pierre-Élie de Pibrac

Le photographe et plasticien explore l'âme humaine. Le musée Guimet partage sa vision du Japon, comme un éloge de l’ombre au pays du Soleil levant.
Virginie Huet, Connaissance des arts, 8 December 2023

Le photographe et plasticien explore l'âme humaine. Le musée Guimet partage sa vision du Japon, comme un éloge de l’ombre au pays du Soleil levant.

Endormie ou sans vie, une femme gît au pied du mont Fuji. Elle est l’une des « créatures éphémères » croisées par Pierre-Élie de Pibrac, parti sillonner le Japon avec sa femme Olivia et leurs trois enfants de décembre 2019 à août 2020, en pleine crise sanitaire. « Dans un pays où les habitants s’ouvrent peu, il a fallu que je sois particulièrement méthodique et patient pour briser la glace, entrer dans la vie de ceux dont je voulais raconter l’histoire ». Ce projet intitulé Hakanai Sonzai – et récompensé par le prestigieux Taylor Wessing Photographic Prize de la National Portrait Gallery en 2021 – raconte « l’histoire d’individus qui cherchent à comprendre leur identité face au poids des règles de la société dans laquelle ils évoluent ».

 

Un travail immersif

À ces portraits d’âmes fragiles, pris en couleurs et à la chambre selon une mise en scène millimétrée proche des tableaux de Jeff Wall ou de Gregory Crewdson, répondent des paysages et natures mortes au noir et blanc intense : cascades, forêts et ruines parlent de silence, d’impermanence, de cette force fragile qui fait la beauté d’un archipel encore hanté par les fantômes de Fukushima. Pierre-Élie de Pibrac les a tirés sur du papier de mûrier, en écho à l’art délicat de l’estampe, dit ukiyo-e.

 

Cette attention au détail caractérisait déjà sa série Guajiros (2018), où les vaines promesses de Fidel Castro recouvraient, comme du braille, les visages graves des travailleurs du sucre. De 2016 à 2017, l’artiste a vécu huit mois parmi eux, au cœur des bateyes cubains, ces campements de fortune typiques d’une industrie à l’agonie. Condition sine qua non d’une rencontre vraie, l’immersion est son unique règle. De cette immersion sont nées deux séries d’un Cuba méconnu où vit une population abandonnée. Ce travail poignant vaut à l’artiste le Prix Levallois de la Jeune Création Photographique Internationale en 2018. Une méthode adoptée en septembre 2013, quand Brigitte Lefèvre, alors directrice de la Danse, lui ouvre, le temps d’une saison, les coulisses de l’Opéra de Paris. C’est en Israël que Pierre-Élie de Pibrac achèvera sa trilogie sur la résilience. Une autre terre de foi, de désordres intérieurs.

 

1983 
Naissance de Pierre-Élie de Pibrac à Paris.
2007 
Réalise son premier reportage en Birmanie.
2009 
Fraîchement diplômé de l’Edhec, assiste Denis Darzacq, Claudine Doury ou Rip Hopkins, grands noms de l’Agence Vu’.
2010
Entre jeux de reflets et surimpressions, American Showcase et Les Frontières de la perception figurent, outre-Atlantique, un monde parallèle plein de faux-semblants.
2012
Real Life Super Heroes se penche sur le phénomène américain des superhéros du quotidien.
2018 
Remporte le Prix Levallois de la Jeune Création photographique internationale.
2021
Lauréat du Taylor Wessing Photographic Portrait Prize, décerné par la National Portrait Gallery.

« Portrait éphémère du Japon, photographies de Pierre-Élie de Pibrac »
Musée national des arts asiatiques-Guimet
6, place d’Iéna, 75116 Paris
Jusqu’au 15 janvier
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