Prickly, clung, birds, bonded words - Park Chae Dalle: 6 rue Chapon
La Galerie Anne-Laure Buffard est heureuse de présenter Prickly, clung, birds, bonded words, la première exposition personnelle de Park Chae Dalle à Paris.
En parallèle de la préparation de ses deux projets à venir à la Monnaie de Paris - pour les dix ans d’Asia Now d’une part, en point d’orgue à sa résidence à la Villa Dufraine d’autre part - et dans la continuité d’un travail mené sur le ralentissement nécessaire à la reprise en main des temporalités propres à l’épanouissement de la créativité et des relations humaines, Park Chae Dalle propose avec Prickly, clung, birds, bonded words, une vision poétique du monde complexe que nous tentons d’habiter.
Avec ce titre oscillant entre rébus visuel et prosodie, l’artiste active notre rapport aux oeuvres, nous offrant de jouer avec différentes associations d’idées, de sensations et de sonorités. Dans Prickly, clung, birds, bonded words, des oiseaux volent, par paire ou en solitaire, sur les murs de la galerie ; des peintures textiles y sont en apesanteur ; des mots d’espoir, d’amour et d’amitié se cachent dans les plis du papier coréen Hanji, mi poèmes-mi-dessins tissant un fil caché mais sensible qui traverse l’ensemble de l’exposition.
Park Chae Dalle y montre une nouvelle grande installation de la série Hand to hand. Peintes à l’huile sur des toiles patiemment tricotées à la main, dans un éloge de la lenteur, ces oeuvres textiles offrent au regard une constellation de visions colorées, de natures mortes et de paysages où surgissent parfois des animaux familiers au sein d’une cosmogonie intime. Initiée en 2019, la série n’a cessé d’évoluer pour s’incarner aujourd’hui dans de véritables tableaux suspendus aux formes organiques qui suggèrent dans le jeu des superpositions et des ouvertures, autant d’abris que de passages.
Aux côtés de ces oeuvres textiles, l’artiste déploie une nouvelle série d’oeuvres sur toile représentant des oiseaux colorés en plein envol. Pour l’artiste, ce corpus inédit d’une vingtaine de tableaux baptisé Family, au sein duquel le motif de l’oiseau n’est pas peint directement sur la toile mais émerge de la superposition de strates de papier traditionnel Hanji, est une métaphore du temps nécessaire à la création des liens qui nous unissent nous permettant de «faire famille» mais aussi de nous émanciper, de nous libérer - parfois de nous-mêmes.
Un très beau texte de l’artiste et écrivain Wonwoo Kim, conjoint de Park Chae Dalle, accompagne l’exposition faisant écho au recueil à quatre mains que le couple a publié récemment sous le titre On verra On y est (Éditions l’Usage, 2023) et à leur série en cours de livrets poétiques mensuels auto-édités Les mots verts.
"Les oiseaux sont sa famille. Ces oiseaux qui franchissent librement toutes les frontières qui divisent les mondes sont sa famille. Ces oiseaux libres sont aussi ceux qui volent vers la liberté. Ils volent pour la valeur qu'est la liberté, et pour leur propre liberté. Elle fait partie de ces oiseaux. Elle veut être libre et libérer ceux qu'elle aime. Parmi de nombreux portraits d'oiseaux, elle laisse quelque part un autoportrait. Quelque part dans le monde, elle murmure à plusieurs reprises les mots « espoir », « amour », « famille », les efface sans cesse et les redessine encore et encore. Elle tisse l'espoir et l'amour, comme une trame et une chaîne, sur lesquels elle dessine une famille libre.
Elle dit qu'elle a peur d'oublier ces mots et leurs valeurs. Le mot “liberté” est facile à oublier. Le mot qu'elle prononce pour ne pas perdre la liberté est "espoir", et ce qui maintient cet espoir est "amour". C'est pourquoi elle ne s'arrête pas de dire, d’écrire, de peindre et de tricoter. Elle tricote des nids pour les oiseaux, un endroit où ils peuvent revenir après avoir volé loin. Le nom de ce nid est "Hand to hand". Sa main d'hier et sa main d'aujourd'hui se croisent pour tricoter une toile, et les toiles se prennent la main pour former un mur. Le mur, avec ses nombreux trous, n'est pas un mur qui bloque l'extérieur. Ce mur laisse l'extérieur s'infiltrer à l'intérieur. La famille au sens classique s'effondre sous la force de la solidarité qui pénètre à travers ce mur. Sur les débris de cette famille classique, elle construit une nouvelle forme de famille. La peau de cette nouvelle famille est malléable, capable de changer de forme à tout moment, et compter le nombre de ses membres est aussi difficile que de capturer le vent.
La valeur de la solidarité n'est pas créée par un acte de courage héroïque, mais par des êtres divers et blessés qui se consolent mutuellement. Ce qu'elle a appris en participant aux activités de la SADD (Solidarity Against Disability Discrimination), c'est que, bien qu'il y ait eu de la peur et de la faiblesse sur le chemin où des êtres blessés avancent ensemble en trébuchant, ce qui fait d'eux une famille, c'est qu'ils n'hésitent jamais à défendre la valeur de la liberté de chacun.
C'est dans ce sens que son courage, qui ne craint pas de se répéter en clamant les mots « amour, liberté et espoir », est le courage de regarder en face ses propres blessures, et à travers ces blessures, d'examiner celles des autres. La forme des oiseaux en vol, qui ressemble à une cicatrice dans le paysage, dévoile de nouveaux horizons. Nous gagnons le courage de vivre avec les cicatrices dans son espace. Nous murmurons des mots qui ont été prononcés maintes fois, mais qui n'ont jamais été complètement réalisés : amour, liberté, espoir… amour, liberté, espoir, famille..."
- Wonwoo Kim